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Dissertation, « Le bonheur est-il affaire de raison ? », sujet de métropole, juin 2023
Introduction, i. la raison ne saurait nous rendre heureux, 1. le bonheur est une affaire d'imagination, 2. la raison nous empêche même d'être heureux, 3. le bonheur, une affaire de désir, ii. le bonheur est affaire de conditions matérielle, 1. de la raison au plaisir, 2. le bonheur, une affaire de conditions matérielles d'existence, 3. le bonheur est affaire d'organisation sociale de la vie, iii. la raison actualise le bonheur, 1. le bonheur est affaire d'un plaisir raisonné, 2. sans raison, pas de sagesse ; sans sagesse, pas de bonheur, 3. la raison permet de se juger heureux.
Accueil » Le bonheur est-il une affaire de raison ?
Le bonheur est-il une affaire de raison ?
Dissertation de Philosophie (corrigé)
Introduction.
Les hommes du commun accepteront sans hésiter qu’il serait mieux de vivre le bonheur plutôt que de le rêver seulement dans l’esprit. Les philosophes, pour leur part, auront pour devoir de scruter ce que le bonheur signifie réellement. Sans prétendre pouvoir changer le monde, la vision des philosophes déploie néanmoins une influence sur la perception du monde sur celui qui les écoute. Et sachant qu’il existe une liaison intime entre la pensée et l’agir, le fait de réfléchir au bonheur serait déjà un chemin tracé vers sa réalisation. Or, ce schéma simpliste ne coïncide point avec ce qu’il en est véritablement dans le quotidien des mortels. « Le concept de bonheur est un concept si indéterminé, que, malgré le désir qu’a tout homme d’arriver à être heureux, personne ne peut jamais dire en termes précis et cohérents ce que véritablement il désire et il veut ». En interprétant ce passage des Fondements de la métaphysique des mœurs de Kant, nous dirons que la plèbe tâtonne dans diverses situations pour goûter au bonheur : cela signifie que ce concept, à la fois familier et incompréhensible, possède une certaine réalité qu’on peut expérimenter dans le vécu. Mais en choisissant une route déviée et plus pénible, les philosophes voudraient chercher le bonheur par et dans la pensée. Seulement, la problématique est de savoir : suffit-il de disposer de la raison pour être heureux, ou bien faut-il le réaliser à travers diverses expériences qui nous inspirent ? La réponse se fait à travers ces trois paragraphes : d’une part, il est des gens qui se déclarent heureux sans recourir à la raison ; d’autre part, seule la raison peut éclairer l’homme vers le bonheur parfait ; et pour conclure, même avec l’aide de la raison, la quête inachevée du bonheur poursuivra la courte existence de l’homme.
I) Tout un chacun a déjà vécu l’expérience du bonheur
L’homme dispose de plusieurs fonctions corporelles qui assurent sa survie, mais ressent également diverses émotions et idées qui lui procurent un équilibre psychologique. En apparence, la vie humaine semble être complète une fois ces besoins essentiels remplis, or il n’en est rien. Ce petit plus qui pimente le quotidien des hommes, c’est ce qui est désigné communément par le terme bonheur. Recevoir de nouveaux jouets, séduire une personne de l’autre sexe, obtenir une ascension dans le cadre professionnel, même les choses jugées les plus insignifiantes, mais qui illumine son quotidien peuvent faire de nous un homme ou une femme comblée. « Quels sont les desseins et les objectifs vitaux trahis par la conduite des hommes, que demandent-ils à la vie, et à quoi tendent-ils ? On n’a guère de chance de se tromper en répondant : ils tendent au bonheur ; les hommes veulent être heureux et le rester » , constate Sigmund Freud dans Malaise dans la civilisation. Par conséquent, on ne peut blâmer une personne en quête du bonheur, et celui qui essaie de nuire au bonheur des autres, que l’acte commis soit clairement édicté par les lois écrites ou non, sera légitimement marginalisé par ses semblables. Cela dit, chacun aura le loisir de suivre ses inclinations, autant que ses droits et ses moyens le lui permettent, afin d’atteindre le bonheur. Même pour le candidat au suicide, nul ne peut le blâmer pour ce choix. David Hume l’a clairement édicté dans son ouvrage Traité de la nature humaine : « Il est aussi peu contraire à la raison de préférer à mon plus grand bien propre un bien reconnu moindre et d’aimer plus ardemment celui-ci que celui-là » . Cela signifie que le bonheur ne dépend pas de l’objet auquel on aspire à posséder, mais plutôt de ce désir et de cette volonté, tant que nous les ressentons encore intérieurement. En effet, les rêveries vers l’être aimé, l’imagination de la jouissance une fois l’objet entre nos mains, cela alimente notre sentiment de bonheur même en l’absence de ce que nous désirons. Ces situations particulières montrent que le concept de bonheur n’a pas besoin d’être démontré ou vérifié, et ce, même en faisant abstraction des contenus ajoutés par la morale. Les fonctions physiologiques de l’homme s’exercent naturellement dans son corps, mais elles requièrent toujours du désir pour pouvoir profiter pleinement de son existence. C’est pourquoi Spinoza a souligné dans son livre L’Éthique : « Le désir est l’essence même de l’homme, c’est-à-dire l’effort par lequel l’homme s’efforce de persévérer dans son être ».
La quête du bonheur procure déjà du bonheur, et le fait d’atteindre l’objet tant désiré encore plus. L’existence de ce penchant est à la fois naturelle et évidente chez l’homme, cependant il est mis en parallèle avec la raison, une entité qui détient un grand pouvoir sur la destinée humaine.
II) La raison est un outil efficace pour atteindre le bonheur
Si le fait de désirer et de posséder l’objet tant convoité définit de manière immédiate le bonheur, la conséquence logique de cette affirmation sera que le mot malheur deviendrait une notion inconnue du genre humain. Absence de moyens, infortune, tout peut expliquer les échecs de nos entreprises, mais remarquons que le chagrin et la souffrance sont autant présents chez les gens qui ont été gâtés par la vie. Rappelons que l’homme ne peut éteindre définitivement la raison, et même dans la poursuite du bonheur, s’il décide de la mettre en veille, celle-ci reprendra ses fonctions en toute fraîcheur une fois les circonstances passionnelles passées. Bergson a excellemment illustré cette idée dans ce passage de l’Évolution créatrice : « Notre vie se passe ainsi à combler des vides, que notre intelligence conçoit sous l’influence extra-intellectuelle du désir et du regret, sous la pression des nécessités vitales ». En effet, l’homme du commun ne procède pas à une analyse profonde à ce qu’est le bonheur, mais sa raison lui informe silencieusement les dangers qu’il risque en poursuivant un choix, tandis que sa passion lui procure le courage nécessaire pour le mener à son terme. Il est vrai que chacun a conscience de la violence de la passion, mais si la raison n’était pas présente, il n’y aurait aucune lutte et aucun problème théorique. En tout cas, dans l’affrontement entre la passion et la raison, il n’est pas toujours évident que la passion l’emporte. Et le fait de tempérer le désir est déjà un moyen plus élégant et plus assuré de l’assouvir. C’est en ce sens que Jean-Paul Sartre affirme : « L’existentialiste ne croit pas à la puissance de la passion. Il ne pensera jamais qu’une belle passion est un torrent dévastateur qui conduit fatalement l’homme à certains actes, et qui par conséquent est une excuse. Il pense que l’homme est responsable de sa passion ». Selon une logique pure et simple, il n’y a pas de degré de bonheur, et non plus de degré de passion. La courbe d’utilité conçue par les économistes néoclassiques est certes une belle tentative de représenter mathématiquement le degré de satisfaction, mais il n’en est rien pour le bonheur pensé dans l’absolu. En tout cas s’il y avait une différence d’intensité dans nos sentiments, notre langage s’est déjà chargé de créer des noms adéquats à chaque situation différente. Cela dit, la raison intervient pour éclairer notre choix selon divers calculs, afin de regrouper les meilleurs moyens à notre disposition, tout en tenant compte de la finalité précise de l’acte. Qu’il s’agisse d’adopter un mode vie ascétique ou de plonger dans le luxe effréné, c’est la raison qui se prononce ainsi, c’est le meilleur moyen possible pour réaliser cette décision. « Et que ceux même qui ont les plus faibles âmes pourraient acquérir un empire très absolu sur toutes leurs passions, si on employait assez d’industrie à les dresser et à les conduire », disait Descartes dans Les passions de l’âme.
L’homme possède la raison et peut très bien s’en servir dans sa quête du bonheur, tout en prenant conscience et en dominant la violence de ses passions. Malgré cette intervention de la raison, nous ne pouvons pas affirmer avec certitude que le bonheur dépend entièrement de la raison.
III) Il vaut mieux vivre le bonheur plutôt que de le penser
L’homme est un véritable foyer du désir, mais également un substrat de la pensée. En disposant de ces deux facultés, il ne peut cependant se déclarer heureux et capable d’atteindre le bonheur avec certitude. L’explication provient de la nature insatiable du désir, cherchant toujours d’autres objets pour le combler, d’où l’hypothèse selon laquelle le désir ne doit pas être lié avec la recherche du bonheur. Pour sa part, la raison intervient en modelant le corps à accepter des plaisirs simples et à se limiter à ce qui est, et non à ce qui doit être. Plus facile à dire qu’à réaliser, les conseils de la raison offrent souvent des frustrations face au manque et à l’insatisfaction. Empruntons cette citation de Hegel issue de sa Propédeutique philosophique pour illustrer le bonheur : « Le bonheur n’est pas seulement un plaisir singulier, mais un état durable, d’une part du plaisir affectif, d’autre part aussi, des circonstances et moyens qui permettent, à volonté, de provoquer du plaisir ». Ce qui nous intéresse dans ce passage est la mention « durable », ce qui distingue la satisfaction ainsi conçue par les économistes qui propose une méthode simpliste pour la recherche du plaisir et, dans la même foulée, le bonheur. La difficulté dans l’approche des philosophes est cette idée selon laquelle nombreuses sont les circonstances qui ne dépendent ni du désir ni de la raison. Tout au plus, la raison peut emmener à une consolation, en définissant le bonheur par l’accomplissement du devoir, d’une vie pleine de vertu. Ainsi, la raison est obligée de transformer la définition même du bonheur en fonction de la vertu, telle qu’elle est mentionnée dans l’Éthique à Nicomaque d’ Aristote : « C’est l’activité de cette partie de nous-mêmes (divine), activité conforme à sa vertu propre, qui constitue le bonheur parfait ». En restant dans un point de vue pragmatique, cette définition met le désir en veille, et sous-entend que le bonheur n’est permis que pour un peuple de philosophes. En tout cas, même si la raison est capable de réformer le désir en la recherche de la vertu, ou alors si elle décide de laisser libre cours et de coexister avec les désirs physiques, nous répondrons par l’affirmative que le bonheur est une affaire de la raison. Malgré les échecs et déceptions rencontrés par l’homme en essayant d’être heureux, il est incontestable que cette longue marche recèle déjà une part de bonheur, c’est-à-dire l’espoir d’être heureux. « À mesure que l’on a plus d’esprit, les passions sont plus grandes, parce que les passions n’étant que des sentiments et des pensées, qui appartiennent purement à l’esprit, quoiqu’elles soient occasionnées par le corps », fait remarquer Pascal dans son Discours sur les passions de l’amour.
L’imagination et le désir offrent autant de possibilités à réaliser pour rendre la vie meilleure, autrement dit, il n’est point nécessaire d’enseigner à un enfant de bas âge ni à un adulte ayant vécu longtemps d’expliquer ce que le bonheur signifie. Et on peut même affirmer que le bonheur est la meilleure chose qu’on puisse souhaiter à quelqu’un, avec tous les attributs qui lui sont corrélés. Néanmoins, la raison contribue à éclairer la recherche du bonheur et les actions qui en découlent, bien qu’elle œuvre le plus souvent dans la discrétion. Sans adhérer à l’opinion générale stipulant le combat éternel entre la raison et la passion, le bonheur humain se comprend comme le soutien solide de la raison dans la poursuite des passions. Par conséquent, le bonheur est une affaire de raison, que cette dernière choisit d’orienter le désir vers des causes plus nobles et plus faciles à accéder, ou qu’elle décide de coexister avec les plaisirs changeants et fugitifs. Sachant que le problème persistant dans la recherche du bonheur est le caractère éphémère des plaisirs, et le doute selon lequel on ne peut plus retrouver ces doux instants vécus dans le passé. Le corps et la mémoire sont-ils capables de conserver le bonheur ?
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Le bonheur est-il affaire de raison ?
France métropolitaine 2023 • Dissertation
Sprint final
phiT_2306_07_00C
France métropolitaine • Juin 2023
Le bonheur est-il affaire de raison ?
Dissertation
4 heures
20 points
Intérêt du sujet • On dit qu’il y a le « choix du cœur » et le « choix de la raison ». Le premier s’effectue en vertu d’une attirance puissante, bien que parfois mystérieuse, le second d’après un calcul rigoureux et prudent. Lequel des deux nous conduira le plus directement au bonheur ?
Les clés du sujet
Définir les termes du sujet.
Il s’agit d’un sentiment de plénitude éprouvé par un individu dont l’ensemble des désirs, ou du moins les plus importants, sont satisfaits.
Le bonheur est difficile à définir (difficulté théorique) mais peut-être encore plus à atteindre (difficulté pratique).
Être affaire de
Au sens strict, il s’agit de ce qui relève de la compétence d’un individu ou d’une faculté, par exemple : « prendre les décisions est l’affaire du chef », « connaître est l’affaire de l’entendement », etc.
Au sens large, c’est ce qui appartient à un domaine, le concerne.
La raison est la faculté naturelle propre à l’être humain, permettant de distinguer le vrai du faux (usage théorique) et le bien du mal (usage pratique).
Le terme est lié à deux adjectifs : rationnel (dénotant le calcul, la logique) et raisonnable (dénotant la prudence, la modération).
Dégager la problématique
Construire un plan
Les titres en couleurs et les indications entre crochets servent à guider la lecture mais ne doivent en aucun cas figurer sur la copie.
Introduction
[Reformulation du sujet] Ce sujet concerne moins la définition du bonheur que les moyens d’y parvenir. Le bonheur est-il affaire de raison ? [Définition des termes du sujet] Il s’agit de savoir si notre faculté naturelle de distinguer le vrai du faux, et le bien du mal, peut nous guider dans la recherche d’une vie pleinement heureuse et accomplie. [Problématique] On voit d’abord mal quel lien établir entre le sentiment et la raison, mais celle-ci joue peut-être un rôle que l’expression « affaire de » laisse indéterminé, depuis la plus mince contribution au titre de moyen, jusqu’à l’idée que cultiver notre raison serait la finalité de l’existence. [Annonce du plan] Nous commencerons par remarquer que le bonheur est d’abord une affaire de sensibilité. Nous explorerons ensuite la recherche du bonheur hors de la raison, voire contre celle-ci. On terminera en soulignant le caractère raisonnable de la nature humaine.
1. Le bonheur est affaire de sensibilité
A. l’affaire de la raison est la connaissance, le conseil de méthode.
Servez-vous des repères au programme : contingent/nécessaire, universel/particulier.
Le bonheur est contingent , car exposé à tous les aléas de la vie : c’est d’abord une affaire de chance . En français classique, le terme heur désigne le hasard , le sort qui nous échoit, qui est tantôt bon, tantôt mauvais, et sur lequel nous n’avons pas entièrement prise. C’est ce que les Anciens appelaient la « fortune », divinité capricieuse et imprévisible.
L’affaire de la raison est de connaître . Le raisonnement s’applique aux réalités nécessaires , celles qui ne peuvent être autrement qu’elles sont, à l’image des objets mathématiques. Dans La République , Platon explique par l’allégorie de la caverne que la partie raisonnable de l’âme est la meilleure, car elle aspire à la sagesse : elle est vouée à contempler les « Idées » pour distinguer le vrai du faux et le bien du mal.
B. Le bonheur est un idéal de l’imagination
Parce que le plaisir est l’indice unique et infaillible de sa présence, le bonheur est l’affaire des sens . Le bonheur est un état de plaisir durable, intense, varié , qu’un individu éprouve lorsque tous ses désirs, ou du moins les plus importants, sont comblés. Dans les Fondements de la métaphysique des mœurs , Kant explique qu’au-delà de cette définition générale, on serait bien en peine de préciser « en des termes précis et cohérents » ce que l’on désire.
Kant qualifie le bonheur d’« idéal de l’imagination » : s’il fait l’objet d’un désir universel , chacun se le représente selon sa sensibilité particulière . Par opposition, « l’idéal de la raison » combine le respect de la loi morale et l’unification de toutes les connaissances possibles.
[Transition] La raison se tourne vers des fins plus élevées que le bonheur (la connaissance, la vertu, la sagesse). Celui-ci doit-il alors se construire hors de la raison, voire contre elle ?
2. La vie heureuse n’est pas une vie raisonnable
A. le bonheur se situe hors des limites de la raison.
Nous recherchons le plaisir et fuyons la douleur, mais le « principe de plaisir » se heurte au « principe de réalité ». Selon Freud, être adulte implique d’accepter la réalité, sous peine de devenir triste ou malade : il faudrait donc se contenter d’un bonheur limité . Mais il en va ici comme du « mariage d’amour » et du « mariage de raison » : on peut s’interdire toute folie, mais c’est au risque de la résignation et de l’ennui !
Une satisfaction mesurée ne mérite pas le nom de bonheur. Au contraire, c’est souvent dans la passion, excessive et déraisonnable par nature , que se manifeste notre aspiration au bonheur. Avant que le romantisme ne développe cette idée, Rousseau l’avait formulée en situant essentiellement le bonheur dans l’imaginaire stimulé par le désir.
« Malheur à qui n’a plus rien à désirer ! il perd pour ainsi dire tout ce qu’il possède. On jouit moins de ce qu’on obtient que de ce qu’on espère et l’on n’est heureux qu’avant d’être heureux. » (Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse )
B. La quête du bonheur est une course au plaisir
Dans un dialogue de Platon, Socrate fait face à un contradicteur très retors nommé Calliclès. Celui-ci déclare que ce qu’ordonnent la morale et les lois n’est que balivernes, conventions faites à l’encontre de la nature qui prescrit, elle, de vivre dans la jouissance : « Éprouver toutes sortes de désirs et les assouvir, voilà la vie heureuse ! » ( Gorgias ).
Mais la raison ne représente pas nécessairement un obstacle dans cette course effrénée au plaisir, puisque l’ intelligence peut être mise au service des passions . C’est sous cet angle que Hobbes définit la raison comme un calcul (en latin ratio ) des moyens les plus aptes à assurer un renouvellement permanent de la satisfaction.
« La félicité, par laquelle nous entendons le plaisir continuel, ne consiste point à avoir réussi mais à réussir. » (Hobbes, De la nature humaine )
[Transition] On ne peut pas concevoir le bonheur en totale opposition à la raison, puisque celle-ci conserve au moins un rôle instrumental. Ne faut-il pas aller plus loin en la plaçant au cœur de cette recherche ?
3. La raison guide notre quête du bonheur
A. la sagesse épicurienne.
Le bonheur est certes affaire de sentiment, et plus précisément de plaisir, mais on peut comprendre avec les épicuriens le rôle crucial que doit jouer la raison. Si les hommes sont malheureux, estime Lucrèce , c’est de leur propre faute puisqu’ils cherchent « au hasard » le chemin de la vie, au lieu de se régler sur la connaissance de la nature .
Lucrèce (98-55 av. J.-C.).
Admirateur d’Épicure, Lucrèce délivre son enseignement dans son poème De la Nature . Tout en étant très fidèle au maître fondateur, il s’en distingue par sa sensibilité, son style et sa profondeur.
Ainsi, dans la Lettre à Ménécée , Épicure a indiqué la voie sûre vers le bonheur en distinguant les désirs naturels des désirs artificiels et en proposant de se concentrer sur les premiers (surtout s’ils sont nécessaires). Tout plaisir est un bien, mais tout plaisir n’est pas à rechercher, car certains engendrent de plus grandes douleurs. Et toute douleur est en soi un mal mais n’est pas nécessairement à éviter : « il faut en juger à chaque fois, en examinant avantages et désavantages » par un calcul d’où la modération sort toujours gagnante.
B. Le bonheur est aussi celui de la raison
La dimension raisonnable de la nature humaine doit aussi s’épanouir. Mill distingue bonheur et satisfaction dans L’Utilitarisme . Les satisfactions concernent tous les désirs et besoins élémentaires qui nous sont communs avec les animaux (manger, boire, etc.). Mais le bonheur inclut aussi d’autres formes d’épanouissement qui nous sont propres, car elles ont une dimension spirituelle ou culturelle (la connaissance du monde et de soi, les arts, les relations sociales, amicales et amoureuses, etc.).
Enfin, les sagesses antiques nous apprennent que le bonheur suprême réside dans l’exercice de la raison, faculté la plus élevée de l’âme humaine. Les stoïciens, par exemple, pensent qu’une raison suprême gouverne l’univers, et que la nôtre n’en est qu’une petite partie. Si ma raison parvient à se reconnaître dans la raison universelle, dit Sénèque , alors je suis en mesure non pas de me résigner, mais d’ aimer le destin qui m’échoit , et de dire à chaque instant que je suis heureux.
« Être heureux, c’est laisser à la raison le soin de donner son prix à tout ce qui constitue notre existence. » (Sénèque, De la Vie heureuse )
Le bonheur est affaire de raison, car une vie lucide et éclairée vaut mieux qu’une vie erratique dominée par le caprice des sens. S’il faut souligner la dimension affective du bonheur, on ne doit pas négliger pour autant notre nature raisonnable.
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Le bonheur est-il affaire de raison ?
Le bonheur est un concept omniprésent dans la vie humaine, une quête universelle qui transcende les frontières culturelles, les époques et les générations. La poursuite du bonheur est une aspiration fondamentale, ancrée dans la nature humaine, et elle a été le sujet de nombreuses réflexions philosophiques, débats intellectuels et recherches scientifiques à travers les âges. La question de savoir si le bonheur est une affaire de raison est l’une des interrogations les plus profondes et fascinantes de ce domaine.
Pour aborder cette question complexe, il est essentiel de définir les termes clés. Le bonheur, tout d’abord, est souvent considéré comme un état de bien-être subjectif, une satisfaction globale de la vie qui découle d’un sentiment de plaisir, d’épanouissement et de contentement. La raison, quant à elle, fait référence à la capacité humaine de penser de manière logique, d’analyser, de prendre des décisions basées sur la réflexion et la compréhension, et de résoudre des problèmes en utilisant la logique. Lorsque l’on se demande si le bonheur est une affaire de raison, nous explorons l’idée selon laquelle la rationalité, la réflexion et la logique sont des facteurs déterminants dans la recherche, la compréhension et l’atteinte du bonheur.
La perspective rationnelle du bonheur
De nombreux philosophes et penseurs ont soutenu que le bonheur est indissociable de la rationalité. Parmi eux, Aristote , l’un des pères fondateurs de la philosophie occidentale, a développé une théorie du bonheur basée sur la vertu et la rationalité. Selon Aristote , le bonheur, ou l’eudémonie, est le résultat d’une vie bien vécue, caractérisée par la recherche de la vertu et de l’excellence. Il a identifié des vertus morales, telles que la courage et la justice, ainsi que des vertus intellectuelles, telles que la sagesse et la prudence, comme des éléments essentiels pour atteindre le bonheur. Pour Aristote , la raison est au cœur de la quête du bonheur, car elle guide les choix et les actions qui favorisent le bien-être personnel et collectif.
Les stoïciens de l’Antiquité romaine ont partagé une vision similaire, en insistant sur le contrôle de soi, la sagesse et la rationalité comme moyens de parvenir à l’eudémonie, un état de bien-être et de bonheur durable. Ils ont prôné la maîtrise de ses émotions et le détachement des biens matériels comme des éléments clés pour atteindre un état de tranquillité et de satisfaction intérieure.
La rationalité comme moyen de prendre des décisions éclairées
La rationalité est également considérée comme un outil puissant pour atteindre le bonheur dans la vie quotidienne. En utilisant la logique et la réflexion critique, les individus peuvent prendre des décisions éclairées qui favorisent leur bien-être. La planification financière responsable en est un exemple concret. En examinant de manière rationnelle les choix financiers, les investissements et les dépenses, les individus peuvent éviter les pièges de l’endettement excessif et de la gestion financière irresponsable, contribuant ainsi à leur stabilité financière et à leur tranquillité d’esprit.
De plus, les relations interpersonnelles positives sont souvent le fruit d’une communication rationnelle et empathique. La capacité à résoudre les conflits de manière constructive, à comprendre les besoins et les désirs des autres, et à exprimer ses propres sentiments de manière claire et respectueuse repose sur la rationalité. Des relations interpersonnelles saines et épanouissantes sont essentielles pour le bonheur humain, et la communication rationnelle est un pilier de ces relations.
La rationalité peut également aider à éviter les comportements autodestructeurs. Les choix de vie liés à la santé, tels que l’adoption d’une alimentation équilibrée, l’exercice régulier et la gestion du stress, sont souvent guidés par une évaluation rationnelle des avantages à long terme pour la santé et le bien-être.
La quête du sens et la rationalité
Une autre perspective importante relie le bonheur à la quête du sens. Selon cette idée, le bonheur ne consiste pas seulement à rechercher des plaisirs éphémères, mais à trouver un but ou un sens dans la vie. La philosophie existentialiste, par exemple, souligne que chaque individu doit créer son propre sens de la vie, ce qui peut être guidé par la réflexion rationnelle et l’exploration de ses valeurs et de ses désirs les plus profonds. Dans cette perspective, la rationalité permet une exploration profonde de soi-même et une compréhension de ce qui donne un sens à son existence.
La psychologie positive, un domaine de la psychologie moderne axé sur le bien-être et le bonheur, met également en évidence le rôle de la rationalité dans la recherche du sens et du bonheur. Les interventions basées sur la psychologie positive encouragent souvent l’introspection, la définition d’objectifs personnels et la recherche de valeurs significatives pour aider les individus à créer une vie plus épanouissante.
Le bonheur au-delà de la raison
Cependant, il existe des critiques à l’égard de l’idée que le bonheur est une affaire de raison. Certains soutiennent que le bonheur peut être vécu de manière intuitive et émotionnelle, parfois en dehors du cadre de la pensée rationnelle. Les moments de joie spontanée, d’extase artistique ou de connexion profonde avec d’autres personnes sont souvent considérés comme des expériences de bonheur qui ne sont pas nécessairement guidées par la raison. Les émotions, qu’elles soient positives ou négatives, font partie intégrante de l’expérience humaine du bonheur, et elles ne sont pas toujours soumises à une analyse rationnelle.
La musique, l’art, la danse et d’autres formes d’expression créative peuvent susciter des émotions profondes et une sensation de bonheur intense. L’appréciation de la beauté naturelle, comme un
coucher de soleil spectaculaire ou un paysage époustouflant, peut également provoquer des sentiments de bonheur qui transcendent la rationalité. Ces expériences émotionnelles sont souvent imprévisibles et spontanées, ne répondant pas nécessairement à une logique rationnelle.
L’influence de la culture et des valeurs
Une autre dimension importante à considérer est l’influence de la culture et des valeurs personnelles dans la définition du bonheur. Ce qui peut apporter du bonheur à une personne peut ne pas avoir le même effet sur une autre. Les normes culturelles et les valeurs individuelles façonnent souvent la manière dont les individus recherchent et définissent le bonheur. Par exemple, dans certaines cultures, l’accomplissement professionnel et financier peut être considéré comme essentiel pour le bonheur, tandis que dans d’autres, l’harmonie familiale et les liens communautaires peuvent être plus prioritaires.
De plus, la notion de bonheur peut évoluer au fil du temps et de l’expérience de vie d’un individu. Ce qui apporte du bonheur à un jeune adulte peut différer de ce qui apporte du bonheur à une personne plus âgée. Les valeurs personnelles, les objectifs de vie et les priorités peuvent changer, influençant ainsi la manière dont une personne recherche le bonheur.
La complexité du bonheur
En fin de compte, la question de savoir si le bonheur est une affaire de raison reste ouverte à l’interprétation. Pour certains, la rationalité et la réflexion critique sont des moyens essentiels d’atteindre le bonheur en prenant des décisions éclairées et en recherchant le sens de la vie. Pour d’autres, le bonheur peut transcender la logique et l’intellect, trouvant son expression dans des expériences émotionnelles et intuitives. La complexité du bonheur réside peut-être dans sa capacité à être à la fois guidée par la raison et à échapper à toute définition stricte, faisant ainsi de sa recherche un voyage fascinant et personnel pour chaque individu.
La compréhension du bonheur demeure l’une des quêtes les plus essentielles de la vie humaine, et elle continue d’inspirer des recherches, des débats philosophiques et des explorations personnelles. Que le bonheur soit le fruit d’une pensée rationnelle, d’émotions intenses ou d’une combinaison complexe des deux, il reste un objectif précieux pour l’humanité, un état de bien-être que chaque individu aspire à atteindre dans sa propre quête de sens et de satisfaction dans la vie.
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- Le bonheur est-il affaire de raison ?
- Vouloir la paix, est-ce vouloir la justice ?
- Un extrait de La Pensée sauvage (1962), de Claude Lévi-Strauss
Filières technologiques :
- L’art nous apprend-il quelque chose ?
- Transformer la nature, est-ce gagner en liberté ?
- Un extrait de la Théorie des sentiments moraux (1759) d’Adam Smith
Proposition de corrigé : le bonheur est-il affaire de raison ?
Introduction
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« Ignorance is bliss », affirme Cypher, personnage du film de science-fiction The Matrix (1999) préférant être réencodé dans la simulation heureuse de la matrice plutôt que de vivre lucide au beau milieu d’un « désert du réel » au ciel obscurci, dominé par l’intelligence artificielle et le machinisme totalitaire. Avec cette sentence émerge la question de la nature du bonheur : réclame-t-il une part de calcul, de maîtrise et de prévision, un effort d’honnêteté, de réflexion, une conduite morale conforme à certains principes déontologiques, ou n’est-il qu’un état de satisfaction reposant sur la puissance des désirs et faisant feu du bois de l’ignorance, de l’illusion, du matérialisme et de la sensualité ? Le bonheur, étymologiquement affaire de chance, est-il à la portée de notre libre arbitre ? Peut-on travailler à être heureux ou faut-il, au contraire, en opportuniste guettant la moindre occasion, s’y abandonner ? Plutôt que sur la raison, le bonheur ne repose-t-il pas sur la passion ? Est-il marqué du sceau de l’égoïsme ou de la moralité ? Enfin, peut-on à coup sûr se rendre heureux ? Existe-t-il une technique du bonheur ? Dans quelle mesure peut-on se rendre soi-même heureux ? Voici quelques pistes de réflexion, à rédiger et à développer.
Première partie : le bonheur, une affaire de passion ?
L’évidence première définit le bonheur comme un état durable – à distinguer de la joie éphémère – découlant de la satisfaction de tous nos désirs.
- Calliclès, rhéteur du Gorgias de Platon et chantre de « la justice selon la nature », ne conçoit de bonheur que dans l’accroissement des désirs et leur satisfaction subséquente.
- De son côté, l’utilitarisme prône une moralité basée sur le bonheur du plus grand nombre, au niveau individuel comme au niveau collectif. Ce bonheur étant garanti par un calcul félicifique contrebalançant avantages et inconvénients.
- Étymologiquement reliée à l’idée de calcul, la raison semble quelque peu abstraite, desséchante et théorique. Plaçant la vie au-dessus de la vérité, Nietzsche n’hésite pas à vanter les vertus de l’oubli et le pouvoir de l’illusion, notamment dans sa dimension artistique.
- La psychanalyse freudienne décrit l’économie pulsionnelle par l’intermédiaire du principe de plaisir. Le but de tout désir est d’obtenir satisfaction. En nous confrontant aux limites, normes et interdictions en tous genres, la raison nous précipite dans l’abîme douloureux et maladif du refoulement.
- Enfin, que peut l’aride raison aux principes universels face au subjectivisme de fond de tout bonheur ? Quelle prise a-t-elle sur le hasard, dont la faveur et la défaveur peuvent déterminer la trajectoire d’une vie ?
Transition Un bonheur fondé sur la passion n’est-il pas un bonheur animal ? N’y a-t-il pas un bonheur spécifiquement humain dont la raison serait la condition ?
Deuxième partie : la raison au service du bonheur
En tant qu’instrument – propre à l’homme – permettant de dissocier le vrai du faux, le bon du mauvais, le bien du mal, la raison est garante d’un bonheur sage, stable et équilibré. Il existe donc une dichotomie entre un bonheur animal, matériel, et un contentement consubstantiel à la moralité.
- Socrate n’hésite pas à qualifier l’homme selon Calliclès de « pluvier », un oiseau qui mange et fiente en même temps. Le bonheur platonicien est en effet le fruit d’une tempérance et d’une harmonie entre les trois parties de l’âme : l’ epithumia ou désir, le thumos ou courage, et le noûs (également logistikon ) ou l’intellect. Vouloir satisfaire tous ses désirs revient à tenter de remplir un tonneau percé, en l’occurrence celui des Danaïdes.
- Le bonheur du stoïcien n’est possible que par la distinction entre ce qui dépend de lui et ce qui n’en dépend pas, autrement dit de la prévalence lucide du principe de réalité sur le principe de plaisir.
- Aristote fait dépendre le bonheur de la vertu, juste mesure en toute chose acquise par l’habitude, et d’une activité conforme à la raison, part divine de l’homme.
- Dans sa Lettre à Ménécée , Épicure, en médecin de l’âme, propose une hiérarchisation éclairée des désirs menant à l’aponie, calme du corps, et à l’ataraxie, sérénité de l’âme.
- Dans sa correspondance avec Élisabeth, fille du roi de Bohême, Descartes distingue bonheur et béatitude : cette dernière est la conséquence de la générosité, c’est-à-dire le bon usage de notre libre arbitre. S’illusionner revient selon lui à s’étourdir « avec du pétun », c’est-à-dire se perdre dans les fameux « paradis artificiels » : dans un langage sartrien, celui qui s’illusionne sait bien, au fond, qu’il s’illusionne. Son bonheur est donc fragile car incessamment menacé par l’immixtion de la réalité.
Transition La raison est-elle un instrument infaillible ? Le bonheur s’offre-t-il immanquablement à tout être raisonnable et moral ? Plutôt qu’un but accessible par une conduite conforme aux prescriptions de l’intelligence et aux injonctions du devoir, le bonheur n’est-il pas un idéal de l’imagination ?
Troisième partie : les limites de la raison et le bonheur comme idéal de l’imagination
On peut être sensé, altruiste et lucide, sans toutefois être heureux. Si elle est nécessaire au bonheur, la raison n’y suffit pas pour autant.
- Kant opère une distinction entre doctrine de la vertu et doctrine de la prudence : agir par devoir relève de l’évidence et d’un impératif catégorique, quand se rendre heureux dépend d’impératifs hypothétiques, c’est-à-dire de conseils dont l’effet n’est jamais garanti.
- Aristote lui-même n’hésite pas à préciser qu’un sage, même vertueux, ne peut pas être heureux si la fortune s’acharne contre lui. Comment, en effet, accéder à la béatitude si je suis enchaîné à une roue en feu qui ne cesse de tourner ?
- D’autres moyens d’accès au bonheur sont à envisager : la sensibilité, l’intuition ou ce que Pascal, dans ses Pensées (1670), nomme « vérités de cœur », par opposition aux « vérités de raison ». Dieu étant l’une de ces vérités de cœur.
- La lucidité, comme l’explique Kant, est bien souvent une cause de tristesse (d’après l’expression qui lui est consacrée, c’est l’imbécile qui est heureux). Le respect de la loi morale, elle-même identifiée comme fait de la raison ( factum rationis ), ne conduit pas nécessairement au bonheur. Le pouvoir des hommes se limite à s’en rendre digne. Pris en lui-même, le bonheur n’est qu’un idéal de l’imagination qu’un sage peut rechercher, sans l’atteindre, toute une vie durant. Devant cette injustice, la raison n’est aucunement démunie : elle postule un Dieu justicier qui, dans l’au-delà, récompensera – proportionnellement – la moralité par le bonheur.
Conclusion
Le bonheur n’est pas le fruit du pur hasard, pas plus qu’il n’est la somme d’un calcul savant. Il peut aussi consister en un « lâcher-prise » ou une « intensification du sentiment d’exister » telle que la décrit Rousseau dans Les Rêveries du promeneur solitaire (1782) : un abandon au pur et simple temps présent. Reste à savoir si l’on peut invoquer une raison collective – une raison d’État ? – garante d’un droit au bonheur que stipule – entre autres – la constitution américaine. Et si, individuel comme collectif, le bonheur est la responsabilité de chacun, n’est-il pas – de nos jours – irrémédiablement conditionné par les médias et les réseaux sociaux ? La sentence de Cypher ne serait-elle pas, dans cette mesure, plus raisonnable qu’il y paraît ?
*Hans Limon est professeur de philosophie au lycée Louis-Massignon d’Abu Dhabi et chargé de projets culturels.
L’École des lettres est une revue indépendante éditée par l’école des loisirs . Certains articles sont en accès libre, d’autres comme les séquences pédagogiques sont accessibles aux abonnés.
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COMMENTS
Ici, le sujet « le bonheur, est-ce une affaire de raison » introduit la copule « est » qui doit relier, placer un rapport d'identité ou d'égalité entre bonheur et raison. À partir de cette première analyse, il peut être suggéré que le bonheur et la raison sont, à l'inverse, différents.
L’idée de bonheur est hors de portée de la raison théorique ; tout au plus la raison pratique peut-elle nous enseigner comment être digne du bonheur, à savoir en agissant de manière...
Par conséquent, le bonheur est une affaire de raison, que cette dernière choisit d’orienter le désir vers des causes plus nobles et plus faciles à accéder, ou qu’elle décide de coexister avec les plaisirs changeants et fugitifs.
En 2023 était tombé ce sujet de dissertation : « Le bonheur est-il affaire de raison ? » Être heureux pourrait-il donc relever d’une décision rationnelle ? Le bonheur n’est-il pas...
Est-il juste de penser le bonheur comme relevant du registre de la raison, est-il souhaitable de faire du bonheur une finalité de la raison ? Il s’agira de déterminer si l’on peut penser un...
Le bonheur est affaire de raison, car une vie lucide et éclairée vaut mieux qu’une vie erratique dominée par le caprice des sens. S’il faut souligner la dimension affective du bonheur, on ne doit pas négliger pour autant notre nature raisonnable.
La première dissertation proposée aux élèves de terminale en filière générale était : « Le bonheur est-il affaire de raison ? Frédéric Manzini , professeur de philosophie, vous...
Lorsque l’on se demande si le bonheur est une affaire de raison, nous explorons l’idée selon laquelle la rationalité, la réflexion et la logique sont des facteurs déterminants dans la recherche, la compréhension et l’atteinte du bonheur.
Le bonheur, étymologiquement affaire de chance, est-il à la portée de notre libre arbitre ? Peut-on travailler à être heureux ou faut-il, au contraire, en opportuniste guettant la moindre occasion, s’y abandonner ? Plutôt que sur la raison, le bonheur ne repose-t-il pas sur la passion ?
Le bonheur est-il affaire de raison ? Vouloir la paix, est-ce vouloir la justice ? Et un texte de l'ethnologue Claude Lévi-Strauss sur la différence entre "bricoleur" et "ingénieur"